Monday, September 25, 2006

COLLOQUE


"La mondialisation, une chance pour la francophonie"
Colloque au Sénat les 27 et 28 avril 2006, organisé par francofffonies !



TABLE RONDE 2 - LES RACINES MONDIALES DE LA France
Le débat est présidé par Victorin LUREL, député de la Guadeloupe, président du
Conseil régional de Guadeloupe.
Il est animé par Wallès KOTRA, directeur délégué de France Ô.
Participent à cette table ronde :
Ashok ADICEAM, administrateur de « francofffonies ! le festival francophone en
France »,
Fred CONSTANT, conseiller de coopération et d'action culturelle à l'Ambassade de
France à Maurice,
Philippe ETIENNE, directeur général de la coopération internationale et du développement au ministère des affaires étrangères.
Christiane TAUBIRA, députée de Guyane,
Béatrice VERNAUDON, députée de Polynésie française.
Wallès KOTRA

Extrait :

« Béatrice Vernaudon est députée de la Polynésie française. Sa circonscription couvre plusieurs petites îles, parmi lesquelles les Marquises. Comment ces îles isolées du Pacifique perçoivent-elles les racines de la France ?

Intervention de Béatrice VERNAUDON

Le Pacifique recèle une partie des racines de la France, grâce à ses trois collectivités dans la région. Les royaumes de Wallis et Futuna comptent 15 000 habitants. La Nouvelle-Calédonie en compte 235 000 et la Polynésie française 250 000. Ces trois territoires relèvent tous trois de l'article 74 de la Constitution française, révisé en 2003. Il classe les dix collectivités ultramarines en deux catégories. Au titre de cet article, nous bénéficions d'une large autonomie politique. Au moment voulu, si elles le souhaitent, les populations pourront faire évoluer leurs relations institutionnelles avec la France.

Les îles du Pacifique s'étendent du Sud-Est asiatique jusqu'aux côtes de l'Amérique. L'Australie (20 millions d'habitants), la Nouvelle-Zélande (4 millions d'habitants) et 22 autres Etats insulaires en font tous partie. Parmi ces 22 Etats, nous pouvons citer la Papouasie-Nouvelle-Guinée et ses 5 millions d'habitants sur un territoire qui compte parmi les plus pauvres au monde et où le SIDA fait autant de ravages qu'en Afrique, mais aussi le plus petit Etat du monde, le Tuvalu et ses 10 000 habitants.

Certains pays de cette région n'ont pas encore acquis leur indépendance complète. C'est le cas des Samoa et de Guam, qui sont rattachés aux Etats-Unis. D'autres encore bénéficient de statuts de libre association, comme les Iles Cook.
Certaines îles sont très montagneuses, tandis que d'autres sont de simples atolls menacés par la montée des eaux liée au réchauffement climatique. Le développement de ces îles se trouve à des stades très divers.

Ce tableau rapide démontre à quel point le Pacifique fait aujourd'hui figure de kaléidoscope géographique et institutionnel. Il n'en est pas moins uni par une identité océanienne autour de valeurs propres. Elles se traduisent par un profond attachement à la terre, à la communauté, à la religion et au partage.

Les trente dernières années se sont avérées très difficiles pour la francophonie et la francophilie dans la région. Les causes en sont connues. Il s'agit, d'une part, des essais nucléaires français dans la région et, d'autre part, du refus de la France de participer au mouvement de décolonisation du Pacifique.

La donne s'est quelque peu modifiée avec la fin de ces essais et la signature des accords de Nouméa et de Matignon, qui permettront d'ici une dizaine d'années à la Nouvelle-Calédonie de recouvrer sa pleine souveraineté, si elle le souhaite. De plus, nous constatons à quel point est fragile l'indépendance des petits Etats du Pacifique. Ils doivent en effet compter sur l'aide internationale pour satisfaire les besoins de leur population en matière de santé et d'éducation.

La francophonie et la francophilie trouvent ainsi aujourd'hui un terreau plus favorable. La France tente d'y jouer la carte de la francophilie, car les francophones ne représentent que 2 % de cet espace très majoritairement anglophone. Cette stratégie s'appuie sur l'intégration des collectivités françaises dans la région.

Nous ne pouvons cependant manquer de relever un paradoxe. L'autonomie relative que confère la France à ces collectivités ultramarines dans le domaine économique, social et culturel les empêche en quelque sorte de s'ouvrir sur l'extérieur. Elles doivent en permanence se concentrer sur les missions lourdes qui leur ont été déléguées.

Nous assistons actuellement une complète mutation de la politique linguistique de ces régions. Malgré les moyens considérables alloués par la France à ces territoires, le taux d'échec scolaire reste inadmissible.

Les familles considèrent que la réussite de leurs enfants passe par l'apprentissage du français. Le polynésien et le tahitien ont été progressivement délaissés, au profit d'un mauvais français. C'est un dialecte qui n'est ni français, ni tahitien que parlent les enfants aujourd'hui. C'est pourquoi le polynésien et le tahitien ont été réintroduits dans les écoles dès la maternelle. Par ailleurs, nous donnons désormais aux enfants, dès leur plus jeune âge, la chance d'apprendre l'anglais. Il est vrai que ces communautés vivent pour l'essentiel du tourisme et ces touristes proviennent pour l'essentiel de pays anglophones.

Cette stratégie devrait aboutir prochainement à une plus grande intégration de ces collectivités au sein de la région Pacifique. Jusqu'alors, ces collectivités et ces Etats se sont ignorés, du fait du contentieux sur la colonisation et les essais nucléaire. Nous essayons par conséquent de sensibiliser les jeunesses de nos îles respectives à ce qui les rapproche. Une telle orientation s'avère très coûteuse, car nos îles sont très éloignées les unes des autres. Des manifestations telles que les jeux sportifs du Pacifique ou encore le festival des arts nécessitent des budgets très importants. Ceci dit, l'effort sur la jeunesse ne saurait être abandonné. Il doit même être approfondi au cours des années à venir.

Cette année sera celle du premier festival de la jeunesse océanienne. Les jeunes y rêveront ensemble à l'avenir de leur région. Leurs débats serviront de base à la Charte du Pacifique qui sera présentée lors de la deuxième édition du festival. De nombreuses autres initiatives ont pu se concrétiser récemment. C'est le cas du festival du film océanien, dirigé par Wallès Kotra. Après trois éditions, il fait déjà figure de rendez-vous incontournable et sa pérennité ne semble pas menacée.
Une fois que cette mission d'ouverture sur la région aura été menée à bien, nos collectivités devront s'atteler au chantier de l'égalité hommes/femmes. Lors d'une réunion récente du Forum des Iles du pacifique aux Iles Cook, nous avons fait le point sur la proportion de femmes dans les Parlements de la région. Une fois écartés les territoires français, la Nouvelle-Zélande et l'Australie, la proportion de femmes dans les assemblées tombe à moins de 5 %. Ces résultats sont aussi faibles que ceux de nombreux pays arabes.

Malgré la ratification d'instruments juridiques tels que la Convention sur l'élimination de toutes les discriminations à l'égard des femmes, qui comporte un volet sur la politique, nous ne pouvons que déplorer que les barrières restent solidement installées. Elles sont d'ailleurs souvent défendues par les femmes elles-mêmes. Les sociétés traditionnelles du Pacifique s'appuient en effet sur une division sexuelle des rôles sociaux très nette. L'introduction d'une nouvelle pensée en la matière aboutirait à désorganiser totalement les sociétés.
Alors que des femmes se battent pour abattre ces barrières, le décalage avec la situation des collectivités ultramarines est presque choquant. Dans les collectivités françaises, c'est sous la contrainte législative qu'il a été nécessaire de mettre en oeuvre la parité. Nous avons bénéficié des combats des Françaises sans même y participer, sans y avoir été préparées ou même avoir été demandeuses d'un tel changement. La proportion de femmes dans nos assemblées est subitement passée de 10 % à 50 %.

Le courage de ces femmes qui se battent nous inflige une belle leçon de modestie. Elles nous rappellent à notre obligation de démontrer maintenant que cette loi était une bonne loi. Il nous appartient de prouver que les femmes sont capables de promouvoir une nouvelle façon de faire de la politique. Les principes de bonne gouvernance, de dignité de la personne et d'équité doivent être nos guides sur ce chemin. Ainsi se construit la francophilie dans une région en pleine mutation, où la France tente de jouer la carte de la diversité culturelle. »
Dossier francophonie (lien) : http://vernaudonfrancophonie.blogspot.com/